Chroniques de la neige pourpre...

Qu’il est rude de trouver de quoi brouter avec toute cette neige...
C’est surement ce que pensais ce cerf, si encore pouvait-il penser, qui observait le sol avec beaucoup de considération.
Une biche et son petit vinrent rejoindre l’animal dans cette réflexion philosophique sur les difficultés météorologique. D’ailleurs, tout le troupeau constatait ce problème, conscient qu’il allait encore falloir se déplacer pour manger.
C’est ainsi que quinze de quadrupèdes descendirent lentement et prudemment les montagnes enneigées, en quête de nourriture.
Des montagnes dont toute la végétation (autres que les sapins) était rongée par le froid, il n’y avait que ca à une centaine de kilomètres à la ronde. Mais ca, nos amis cornus n’était pas sensé le savoir.
Et ils n’auront – malheureusement pour eux – jamais eu cette occasion d’ailleurs.
Car en effet un puissant battement d’ailes se fit entendre, semblant celui d’une armée en raison des multiples échos ambiant.
Le troupeau ne se fit pas prier et dévala la pente. Pas d’autre alternative contre la terrible menace que représentais un dragon...
Un dragon, oui. Un énorme dragon survolait les cerfs, les dépassants sans peine. Il atterrit (dans une impressionnante éclaboussure de neige) devant les animaux, leur barrant la route.

Avoisinant les six mètres, sa masse musculaire était presque aussi impressionnante que sa taille. Ses yeux étaient aussi violets que sa peau, et la puissance de son cri auraient mis en fuite le plus redoutable des prédateurs.
La bête était certes terrifiante, mais avais toujours cet air amusé dans le regard, qui contrastait fortement avec le reste de son anatomie...

Les cerfs n’eurent pas le temps de noter tout ses détails.
Ne savant que faire, ils se divisèrent et s’enfuirent par diverses chemins, plus insensés les uns que les autres.
Tandis que l’un finit dans la gigantesque gueule du reptile, l’autre fut lacérer par ses griffes tout aussi géantes.

Une biche, trop heureuse d’avoir échapper au monstre pour penser a ces défunts partenaires, s’engouffrait dans un petit bosquet de pins enneigés.
Elle s’arrêta quand elle fut sûre et certaine que le dragon ne la suivait pas. Très peu probable dans les bois d’ailleurs...
Ce qui ne l’empêcha pas de finir la tête tranchée...
L’humain responsable de cette décapitation très esthétique avais frappé avant même que l’animal n’ait détecté sa présence. Comme quoi extrême discrétion et bourrinisme sanguinaire ne sont pas forcément incompatibles...

L’humain en question était un sacré phénomène. Ses cheveux, d’un blanc qui n’avais rien à envier a la neige, était aussi « spéciaux » que ses yeux jaunes foncés.
De taille moyenne, cela ne l’empêchais pas d’être bien bâtis et on ne peu plus combatif.
La preuve de sa force était son arme : une faux plus longue et plus large que lui, et presque aussi lourde. L’ouvrage était assez simple, mais d’autant plus efficace.
Son regard, vif et optimiste, était le même que celui du dragon qui avais décimer le troupeau il y a peu.

Le chasseur pris le corps du cerf et sortit en sifflotant du bosquet. Son chemin croisa celui du dragon, qui avait joliment empilé les corps de ses victimes.
-Alors Drago, j’ai encore gagné ? Aucun défi ! Je te l’ai dit ; chasser avec une faux, non mais je te jure...
-Parce que tu crois que tes griffes ne sont pas comparables à ma faux, question finesse, Darkull ?
-Un point pour toi, paysan. Mais moi je suis né comme ça ! Je fais avec. Et puis ca marche plutôt bien.
-Et bah dit toi que je suis né avec une faux dans les mains aussi, si c’est plus facile a accepter pour toi comme ça...
-Je savais que tu avais toujours été un paysan...
-La ferme ! Ce n’est pas ce que je voulais dire...

Les deux amis rigolèrent de bon cœur, mais pas avec le même niveau sonore. Plus par peur de déclencher une avalanche que par exploitation maximum de cette réplique comique, le dragon et l’humain reprirent leur sérieux bien vite.

-Bon, on est le petit ?
-Je ne sais pas... Pas loin surement.
-Hum, tu devais lui apprendre à chasser, et le surveiller ! Il est encore jeune... Et même pour son âge, il est un peu faiblard.
-C’est vrai, mais je veux lui laisser ses chances quand même.
-Tu fais bien ! Mais il ne faut pas qu’il prenne trop de risques tout de même.
-Ne... Tiens ! Le voila.

Un dragon de petite taille marchait lentement vers le duo.
Sa peau, d’un bleu plus proche du cyan que du violet, lui assurait d’être vu de loin par n’importe qui.
Son allure frêle contrastait avec la forte carrure de son père.
Ses ailes, toute aussi ridicules que le reste de son apparence, lui permettais surement de voler aussi bien qu’une autruche obèse.

Une physique tout aussi pitoyable que ses capacités de chasse... Le malheureux avais ramené un cerf, certes, mais âgés d’une semaine au plus. L’animal se débâtait encore dans la mâchoire du dragon.

-Un petit ? Nous avions dit les adultes ou rien ! Nous chassons déjà beaucoup, attaquer les jeunes est assez... Enfin. Qu’en penses-tu Darkull ?
-Je suis d’accord avec toi ! Et pourquoi est-il encore vivant ? Il dois souffrir la, tu ne te rend pas compte !

L’intéressé déposa le futur cadavre pour avoir la mâchoire libre, avant de pouvoir répondre de ses accusations.
Regardant son père en face, il planta son regard dans le sien.
Aussi faible était il, son regard, lui, ne l’était pas.

Son œil gauche, jaune comme la foudre, transperçait la rétine adverse comme pour voir directement ce que pensais son interlocuteur, prenant connaissance de la moindre pensée, songe ou idée avant que celui-ci n’ai pu en parler.
A l’affut du moindre détail pouvant trahir un mensonge ou un malaise, cet œil semblait être un outil d’omniscience totale. Une atmosphère presque perverse était parfois palpable quand cet iris vous scrutait trop longtemps.
Son œil droit, bleu comme l’eau sans vague d’un lac, donnait une toute autre impression. Une innocence totale émanait de ce regard doux et serein.
Cet œil avait l’éclat d’un regard de nourrisson, regardant sa mère lui donner le sein avec une reconnaissance divine.

Passer d’un œil a l’autre aurais désarçonné n’importe qui.

-La mort est une chose à ne pas prendre à la légère... Contrairement aux autres...
Il désigna les corps des autres cerfs.-
...Je lui donne sa chance.

Sa voix était lente et pure... Cette consonance innocente était parfois si contradictoire avec le sens de ses paroles, que le côté malsain de celles-ci s’en voyait accrues.

-Sa chance ? Ses blessures sont mortelles, je...
-Pas la chance de survivre. La chance de profiter de sa mort. La mort n’arrive qu’une fois, comme la vie... Père, vous dites toujours qu’il faut profiter de la vie n’est ce pas ? Et bien je lui laisse le temps de se rendre compte qu’il va mourir, pour qu’il puisse jouir au maximum de son trépas, expérience qu’il ne connaitra plus après. Ne suis-je pas... Clément ?

Drago ne savais pas si c’était ce discours lui-même, ou la conviction que son narrateur y avais mis qui le dégoutais le plus.
Le petit attendait toujours une réponse, croyant sincèrement avoir bien fait.

Darkull lui lança un regard sévère qui était plus claire qu’un simple « non ».
Il saisi son gibier et s’envola.

-Nous rentrons, Grievous.